L’usage des antidépresseurs a atteint des niveaux alarmants ces dernières années. Initialement destinés aux dépressions cliniques sévères, ces médicaments sont de plus en plus souvent prescrits pour des troubles légers et passagers, ou même pour des symptômes d’anxiété, malgré l’absence de diagnostic précis de dépression. Selon une étude récente, la consommation mondiale d’antidépresseurs a augmenté de près de 60 % entre 2010 et 2020, une hausse qui s’explique en grande partie par des prescriptions de confort, répondant à une demande de solutions rapides pour des troubles émotionnels ponctuels.
Des chiffres alarmants et des pratiques en dérive
En France, selon des chiffres de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), près de 20 % des adultes ont été sous antidépresseurs à un moment donné, un chiffre qui inclut une forte proportion de prescriptions pour des troubles anxieux et non des dépressions majeures. Un rapport de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) a révélé que près d'un Français sur dix consommait régulièrement des antidépresseurs, un chiffre particulièrement élevé en comparaison avec d'autres pays européens.
Cette tendance à prescrire des antidépresseurs pour des troubles anxieux plutôt que pour des dépressions cliniques sévères relève d'une dérive médicale inquiétante, que des experts qualifient même d’« élargissement du marché des antidépresseurs ». Certains praticiens, souvent peu formés aux processus psychiques et intrapsychiques, ont pris l'habitude de recourir aux antidépresseurs comme solution de premier recours pour traiter des symptômes visibles, alors même que des thérapies non médicamenteuses se montrent souvent plus efficaces pour les troubles anxieux. Le Haut Conseil de la santé publique a d’ailleurs émis plusieurs alertes à ce sujet, recommandant aux professionnels de santé d’éviter de prescrire ces médicaments à des patients souffrant de troubles anxieux légers ou modérés.
Les antidépresseurs : une camisole chimique qui aggrave la situation
Les antidépresseurs, en agissant sur les neurotransmetteurs du cerveau, ont pour effet d'atténuer les émotions. Bien que cela puisse temporairement réduire les symptômes d’anxiété ou de dépression, cela revient souvent à masquer les véritables causes de ces troubles. En anesthésiant les émotions, ces médicaments bloquent les signaux d’alerte naturels que le corps et l’esprit envoient pour indiquer un déséquilibre sous-jacent, empêchant ainsi le patient de prendre conscience de ses véritables besoins et de travailler sur les causes profondes de son mal-être.
Les études montrent que cette « camisole chimique » peut même créer des symptômes dépressifs chez des individus non dépressifs initialement, tout en générant une dépendance émotionnelle. Selon une recherche menée par l’Université de Southampton, 70 % des patients sous antidépresseurs à long terme auraient des difficultés à arrêter leur traitement en raison de symptômes de sevrage importants, tels que des angoisses accrues, une léthargie psychique, des troubles de concentration et des symptômes physiques désagréables.
Une solution rapide, pas forcément utile & sans traitement des causes
Les psychiatres, formés principalement pour traiter les symptômes visibles et non les conflits intrapsychiques, tendent à réduire les troubles anxieux ou dépressifs à des déséquilibres chimiques traitables par médicaments. Or, cette approche limite la prise en charge à un pansement chimique sans adressage des causes psychologiques ou contextuelles. Ce manque de formation aux dynamiques intrapsychiques est particulièrement problématique dans les cas de troubles anxieux, où les causes sont souvent complexes et demandent un accompagnement thérapeutique qui prend en compte les émotions, les pensées et les comportements du patient.
L'utilisation délirante des antidépresseurs pour les troubles anxieux
L'usage d'antidépresseurs pour traiter les troubles anxieux est un exemple frappant d'une utilisation inappropriée de ces médicaments. Bien que des études démontrent l’efficacité de thérapies cognitivo-comportementales (TCC) pour réduire les symptômes d'anxiété, les antidépresseurs continuent d’être prescrits, souvent sans suivi psychologique en parallèle. Selon un rapport de l’OMS, la prescription d'antidépresseurs pour des troubles anxieux a doublé en dix ans, alors même que des approches non médicamenteuses existent et se montrent plus efficaces à long terme.
En France, l’Agence régionale de santé (ARS) a d’ailleurs récemment alerté sur cette pratique en soulignant que l’augmentation des prescriptions d'antidépresseurs pour des troubles anxieux légers ou modérés relève d’une utilisation « délirante » et non fondée médicalement. Ce constat est appuyé par une recherche publiée dans le British Journal of Psychiatry, qui démontre que les antidépresseurs ont un effet limité sur l'anxiété lorsqu'ils sont utilisés sans accompagnement thérapeutique.
Conséquences dévastatrices à long terme
Au-delà de l’inefficacité pour certains troubles, l’usage prolongé des antidépresseurs peut engendrer des effets secondaires graves. Les études révèlent que ces médicaments peuvent causer des troubles cognitifs, une diminution de la libido, des insomnies, et même augmenter le risque de suicide chez certaines populations. Une étude publiée par l’American Journal of Psychiatry montre que chez les adolescents, l’usage d'antidépresseurs est associé à un risque accru de comportements suicidaires, notamment chez ceux souffrant de troubles anxieux plutôt que de dépression clinique.
De plus, un usage à long terme de ces médicaments peut entraîner des troubles neuropsychologiques tels que des pertes de mémoire et des difficultés de concentration. En masquant les véritables causes du mal-être, les antidépresseurs peuvent donc créer des symptômes additionnels, aggravant ainsi la souffrance psychique.
Privilégier un accompagnement psychologique pour une véritable guérison
La prise en charge des troubles de l’humeur ou de l’anxiété nécessite bien plus qu’un simple médicament. Un accompagnement thérapeutique avec un psychologue formé aux conflits intrapsychiques permet de travailler en profondeur sur les causes du mal-être. Contrairement aux psychiatres, les psychologues sont spécialisés dans l’exploration des processus émotionnels et relationnels, offrant une aide durable et un travail sur les schémas de pensée et les comportements qui sous-tendent les troubles.
Nous proposons une prise en charge globale, où le travail thérapeutique est orienté vers la compréhension des causes profondes des troubles de l’humeur et de l’anxiété. Par le biais de thérapies adaptées, comme les thérapies systémiques, cognitivo-comportementales et les approches psychodynamiques, nous permettons à chaque individu de libérer ses émotions et de surmonter ses souffrances de manière durable.
Conclusion : une vigilance nécessaire face à l’usage des antidépresseurs
En somme, les antidépresseurs, bien qu’utiles dans certains cas de dépression sévère, ne doivent pas être prescrits pour des troubles légers ou sans accompagnement psychologique. Leur effet anesthésiant, couplé à l’absence de traitement des causes, risque de plonger les patients dans un cercle de dépendance sans amélioration durable. La surprescription de ces médicaments pour des troubles anxieux pose un réel problème de santé publique, et une vigilance accrue est nécessaire pour éviter une utilisation excessive et potentiellement dangereuse de ces traitements.
La priorité devrait être donnée à un accompagnement psychologique de qualité, permettant aux individus de travailler sur les véritables causes de leur mal-être et d’éviter les pièges d’une « camisole chimique » qui masque plus qu’elle ne soigne. Chez DP Psychologie, nous nous engageons à offrir un cadre thérapeutique bienveillant et adapté pour accompagner nos patients dans une guérison respectueuse de leur équilibre psychique et de leur santé mentale.
Article : Pr. Pascal LAPLACE
Illustration : Ben BAHIYA A.